Chercheurs et anticonformistes transforment les portes de l’Arctique

Il fait chaud à la station-service la plus septentrionale du monde et l’atmosphère y est conviviale. On y propose des sandwichs, des hot-dogs ainsi que toutes les petites choses habituelles dont on pourrait avoir besoin dans la région : des tronçonneuses, des machettes, des pelles à neige. Sur l’étagère sont posés des casques ou encore des bottes d’hiver pesant quatre kilos et permettant de foncer à toute vitesse dans les fjords glacés. Deux motoneiges, rembourrées de peaux de rennes avec des fusils accrochés aux selles, sont stationnées devant la pompe à essence.
Omid, le pompiste, montre une photo près de l’entrée. On y voit un ours qui poursuit un homme autour d’un SUV. « Cette photo a été prise en Alaska », explique Omid. « Mais cette situation pourrait également se produire ici à tout moment, car les ours polaires vivent juste derrière le village. »
L’ouest sauvage c’est bien beau, mais le nord sauvage, c’est encore une tout autre histoire. Rien d’étonnant à cela ! Le Spitzberg, Svalbard en norvégien, est en effet la porte d’entrée vers l’extrême nord du monde. Une fois cette porte franchie, il n’y a pratiquement plus rien à part un désert glacé, des tempêtes et une mer polaire grisâtre.
C’est d’ici que des pionniers comme Roald Amundsen et Fridtjof Nansen partirent à la conquête du pôle Nord. Ils revinrent après quelques semaines, les mains gelées et souffrant du scorbut.
Il fait chaud à la station-service la plus septentrionale du monde et l’atmosphère y est conviviale. On y propose des sandwichs, des hot-dogs ainsi que toutes les petites choses habituelles dont on pourrait avoir besoin dans la région : des tronçonneuses, des machettes, des pelles à neige. Sur l’étagère sont posés des casques ou encore des bottes d’hiver pesant quatre kilos et permettant de foncer à toute vitesse dans les fjords glacés. Deux motoneiges, rembourrées de peaux de rennes avec des fusils accrochés aux selles, sont stationnées devant la pompe à essence.
Omid, le pompiste, montre une photo près de l’entrée. On y voit un ours qui poursuit un homme autour d’un SUV. « Cette photo a été prise en Alaska », explique Omid. « Mais cette situation pourrait également se produire ici à tout moment, car les ours polaires vivent juste derrière le village. »

L’ouest sauvage c’est bien beau, mais le nord sauvage, c’est encore une tout autre histoire. Rien d’étonnant à cela ! Le Spitzberg, Svalbard en norvégien, est en effet la porte d’entrée vers l’extrême nord du monde. Une fois cette porte franchie, il n’y a pratiquement plus rien à part un désert glacé, des tempêtes et une mer polaire grisâtre.
C’est d’ici que des pionniers comme Roald Amundsen et Fridtjof Nansen partirent à la conquête du pôle Nord. Ils revinrent après quelques semaines, les mains gelées et souffrant du scorbut.

L’unique localité de l’archipel porte le nom de Longyearbyen. Seules quelque 2.600 âmes y vivent. On y trouve cette station-service, un cinéma, un grand supermarché, un petit centre commercial ainsi qu’un minuscule hôpital. La seule route asphaltée ne fait que 15 kilomètres de long et se termine à l’entrée d’une mine de charbon dans les montagnes. Ensuite, il n’y a plus que des étendues sauvages : 400 îles et archipels déserts sur lesquels ne vivent que quelque 3.000 ours polaires, des rennes, des morses, des phoques et des renards polaires.
Ce n’est pas malgré, mais à cause de ces caractéristiques que le Spitzberg est l’une des destinations de voyage les plus éprouvantes de la planète. Un territoire accidenté à l’histoire austère. Une destination garante d’aventure, hier comme aujourd’hui. Mais aussi un lieu en pleine mutation, qui prend une nouvelle signification à notre époque. On peut en effet dire qu’un voyage au Spitzberg est à l’heure actuelle une expérience extraordinaire et révolutionnaire.


Le pompiste Omid Abolhasani, âgé de 44 ans, n’est pas arrivé au Spitzberg en tant qu’aventurier, scientifique ou ermite, mais bien comme militant pro-vie venu d’Iran. À la recherche d’un travail, d’un salaire décent et d’une vie libre, il a d’abord atterri en Norvège avant de se retrouver rapidement au Spitzberg. Bien qu’appartenant à la Norvège, ces îles de l’océan Arctique se situent hors de toute frontière et ne font pas partie de l’espace Shengen. Ici personne ne vous demande un visa et ne fait attention à votre couleur de peau, religion ou origine.
D’autres qualités priment. Le Spitzberg est un refuge pour ceux qui supportent la vie dans la toundra gelée et sont capables de trouver le bonheur au sommet de l’hémisphère nord. Des mois d’obscurité, un climat rude avec des cascades de neige et de glace même en été. Mais ces conditions climatiques permettent peut-être de façonner les gens. Omid dit que le Spitzberg a radicalement changé sa vie. « J’ai rencontré de nombreuses personnes ici, j’ai des amis. C’est difficile à expliquer, mais c’est ici que je me sens libre. »
D’autres photos sont accrochées aux murs de la station-service. Des aurores boréales dansantes, des ours polaires, des glaciers aux reflets argentés. Toutes ces œuvres d’art sont signées Omid. Depuis qu’il vit ici en pleine nature, il s’est pris de passion pour la photographie. Il souhaite prochainement ouvrir une galerie en ligne pour que les gens du monde entier puissent admirer ses œuvres. Omid dit : « En arrivant, je pensais avoir échoué au Spitzberg, mais après un an ou deux j’ai compris que j’étais fait pour vivre ici. »


Omid Abolhasani fait, pourrait-on dire, partie d’une expérience. En tant qu’Iranien il appartient en effet à l’une de quelque 50 nationalités qui cohabitent ici. Avec moins de 3.000 habitants sur un territoire aussi restreint, ce type d’alliance est très peu fréquent. Un exemple extraordinaire de diversité aux portes de l’Arctique, dans une zone loin du confort habituel.
Mais c’est peut-être précisément les conditions de vie rudes qui permettent aux gens de fraterniser : les nuits polaires sombres, la solitude, la nature sauvage.
Des Australiens se sont installés au Spitzberg, mais aussi des femmes thaïlandaises, vietnamiennes, espagnoles, allemandes, des techniciens pakistanais venus y gagner leur vie, des nivologues canadiennes, un propriétaire de bar norvégien. Au supermarché, on croise des pilotes de chenillettes polonais, des employés d’hôtel philippins et Paulina, originaire de Hongrie, qui vend des bonnets à pompons et des coussinets chauffants aux visiteurs frigorifiés dans la boutique du village.
Au Spitzberg, nous sommes tous logés à la même enseigne, certes, mais nous vivons dans un congélateur au bout du monde.

Aujourd’hui, l’endroit gagne en importance pour bien d’autres raisons. Le Spitzberg fait figure de pionnier à bien des égards. Au bas de la ville se trouve l’université de Svalbard. Des scientifiques venant de plus de 30 pays utilisent le centre pour leurs recherches. À l’ère du changement climatique, l’University Centre de Svalbard est devenu une plateforme incontournable. Des centaines de projets sont lancés d’ici et des milliers de données y sont collectées. Le Spitzberg, le bout du monde ? Loin de là ! C’est précisément ici que sont menées des recherches pour un nouveau départ, de nouvelles connaissances, qui revêtent aujourd’hui un caractère d’urgence au niveau mondial. À quelle vitesse fond la glace ? Comment évoluent les écosystèmes ?
Juste à côté de l’université s’étend la beauté sauvage de la nature. Des montagnes d’un blanc immaculé, des vallées et vallons baignés par le soleil qui semblent avoir été recouverts de sucre en poudre.





C’est aussi pour ce genre d’expérience qu’Amalie Siljebråten est venue au Spitzberg. Cette Norvégienne de 24 ans est guide en milieu sauvage et experte en matière de techniques de survie, d’avalanches, de connaissance des animaux et de pistage. En été, elle pilote des canots pneumatiques pour aller observer les baleines, les phoques et les orques qui traversent les baies. En hiver, elle parcourt la côte déserte en motoneige, jusqu’aux falaises près de Sassenfjorden et de Vindodden.
« J’aime les contrastes », dit-elle. « Ici il y en a partout et en permanence : été, hiver, calme, tempête, soleil, neige. On peut passer d’un ciel dégagé à un voile blanc total en quelques minutes. La météo règne ici en maître. Elle est plus imprévisible encore que les ours polaires. » Elle fonce à 50 km/h sur les pistes gelées au cœur de la vallée. La neige tourbillonne, les patins raclent la glace. Puis le ciel s’assombrit. Le paysage se transforme en un voile de lumière diffuse, comme si elle se dirigeait vers une feuille de papier blanche.

Sa destination finale est une grotte de glace quelque part au milieu de nulle part. Une fissure qui mène aux entrailles de la terre blanche. Et là une merveille souterraine apparaît: une cathédrale de glace figée en millions de motifs. C’est cela qu’Amalie Siljebråten souhaite montrer aux visiteurs, cette féerie. L’un des rares endroits où l’on peut encore apprécier la planète dans sa splendeur ancestrale.
Mais au cœur de cette nature de plusieurs millions d’années, la modernisation a déjà commencé. Cela aussi fait partie de la mutation de l’Arctique. Nul ne le sait mieux que Terje Aunevik, le maire de Longyearbyen. Il est assis au premier étage de la mairie. Il ne porte qu’une paire de chaussettes en laine grises, pas de chaussures.
Terje Aunevik, âgé de 56 ans, nous parle de la transformation que connaît actuellement le Spitzberg. L’endroit devient peu à peu un lieu de recherche ouvert au monde, une destination touristique, même si les habitants souhaitent que le tourisme ne prenne pas trop d’ampleur, et une source géothermique permettant de générer de l’énergie. « Toutes les maisons et tous les appartements ici font déjà partie d’un seul et même réseau », souligne le maire.
Sa destination finale est une grotte de glace quelque part au milieu de nulle part. Une fissure qui mène aux entrailles de la terre blanche. Et là une merveille souterraine apparaît: une cathédrale de glace figée en millions de motifs. C’est cela qu’Amalie Siljebråten souhaite montrer aux visiteurs, cette féerie. L’un des rares endroits où l’on peut encore apprécier la planète dans sa splendeur ancestrale.
Mais au cœur de cette nature de plusieurs millions d’années, la modernisation a déjà commencé. Cela aussi fait partie de la mutation de l’Arctique. Nul ne le sait mieux que Terje Aunevik, le maire de Longyearbyen. Il est assis au premier étage de la mairie. Il ne porte qu’une paire de chaussettes en laine grises, pas de chaussures.
Terje Aunevik, âgé de 56 ans, nous parle de la transformation que connaît actuellement le Spitzberg. L’endroit devient peu à peu un lieu de recherche ouvert au monde, une destination touristique, même si les habitants souhaitent que le tourisme ne prenne pas trop d’ampleur, et une source géothermique permettant de générer de l’énergie. « Toutes les maisons et tous les appartements ici font déjà partie d’un seul et même réseau », souligne le maire.

Il est évident qu’un endroit comme le Spitzberg peut servir de modèle, même à grande échelle. « Nous vivons loin du reste du monde », dit le maire. « Sans connexions aux réseaux existants, sans aucun approvisionnement énergétique externe. Et si nous sommes en mesure d’assurer nous-mêmes notre approvisionnement, cela doit être possible partout ailleurs. »
Sous d’autres angles aussi, le changement se fait sentir. En hiver, les festivals de blues et de jazz, attirant à présent des musiciens internationaux, se multiplient au Spitzberg. Les recettes de la vente d’alcool sont versées dans un fonds servant exclusivement à la promotion de la culture. Ce fonds a déjà permis de créer un centre pour les artistes en résidence ainsi qu’un théâtre pour l’école.

« Non, non », dit Terje Aunevik. « Nous ne nous ennuyons jamais ici dans le Grand Nord. » L’après-midi il se balade dans la ville. Derrière les montagnes on aperçoit un ciel bleu profond. Les lumières s’allument dans les maisons. Dehors il fait moins 15 degrés. Terje Aunevik porte un anorak, un jeans, pas de bonnet et des baskets étonnamment fines. Par contre, il a relevé son col. Un nuage s’élève au-dessus de lui à chaque respiration. C’est ainsi que le maire du Spitzberg se promène dans la ville glacée du bout du monde.
Il a besoin de cela pour réfléchir. Cette balade d’une heure à respirer l’air polaire glacé chaque soir, il ne pourrait pas s’en passer.
Il est évident qu’un endroit comme le Spitzberg peut servir de modèle, même à grande échelle. « Nous vivons loin du reste du monde », dit le maire. « Sans connexions aux réseaux existants, sans aucun approvisionnement énergétique externe. Et si nous sommes en mesure d’assurer nous-mêmes notre approvisionnement, cela doit être possible partout ailleurs. »
Sous d’autres angles aussi, le changement se fait sentir. En hiver, les festivals de blues et de jazz, attirant à présent des musiciens internationaux, se multiplient au Spitzberg. Les recettes de la vente d’alcool sont versées dans un fonds servant exclusivement à la promotion de la culture. Ce fonds a déjà permis de créer un centre pour les artistes en résidence ainsi qu’un théâtre pour l’école.
« Non, non », dit Terje Aunevik. « Nous ne nous ennuyons jamais ici dans le Grand Nord. » L’après-midi il se balade dans la ville. Derrière les montagnes on aperçoit un ciel bleu profond. Les lumières s’allument dans les maisons. Dehors il fait moins 15 degrés. Terje Aunevik porte un anorak, un jeans, pas de bonnet et des baskets étonnamment fines. Par contre, il a relevé son col. Un nuage s’élève au-dessus de lui à chaque respiration. C’est ainsi que le maire du Spitzberg se promène dans la ville glacée du bout du monde.
Il a besoin de cela pour réfléchir. Cette balade d’une heure à respirer l’air polaire glacé chaque soir, il ne pourrait pas s’en passer.


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Aluminium Collection
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